La "tradition cartésienne" et l'idée de philosophie d'Alain à SImone Weil.

Il est certain qu'une grande partie de la philosophie weilienne se développe à partir de la leçon alainienne, même si elle la modifie et si elle la transforme, mais il existe aussi, probablement, une racine encore plus originelle, commune aux deux philosophes. Il s’agit précisément d’une référence à une « tradition cartésienne » commune, non seulement en raison des nombreuses références du philosophe des Propos à Descartes et non seulement en raison de l’intérêt, de la quasi-vénération que Simone Weil a pour lui (elle lui dédie entre autres son mémoire), mais plus exactement parce qu'elle se réclame comme lui d'une « tradition cartésienne » que l'un et l'autre ont vécue quasiment en disciples du maître et non pas abordée comme un corpus de philosophèmes à développer et à suivre ; une tradition qui qualifie finalement un mode précis de concevoir la philosophie qu’Alain transmet à Simone Weil, laquelle fera sien ce mode de comprendre la philosophie mais en le transformant radicalement. Il semble important de considérer au préalable le contexte culturel dans lequel la pensée alainienne elle-même s’est formée pour comprendre, d’une certaine façon, la genèse de ce mode précis de considérer la philosophie qui entend explicitement « continuer » la tradition cartésienne. Dans la présentation qui va suivre nous ne considérerons pas une à une et dans leur intégralité les références cartésiennes dans l’œuvre alainienne, et donc weilienne. Nous nous limiterons plutôt à indiquer certains traits qualifiant le Descartes d’Alain, révélateurs du même ressenti de la philosophie, et le rapport « philosophie » et « histoire de la philosophie », de manière à introduire à la conception weilienne de la philosophie, qui se nourrit d’une telle vision, même si elle en modifie l’orientation.